Hollister et sa fausse histoire… On vous l’avait bien dit !

by | Fév 3, 2016 | Définition Marketing, Marketing B to C, Marketing viral | 0 comments

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Ce n’est pas un cas d’école très récent, mais il reste néanmoins très explicite quand il s’agit de parler de « storytelling », terme qu’on entend à toutes les sauces en ce moment. Cette histoire nous avait déjà agacé à l’époque (l’article original date de 2011, remis au goût du jour), on a donc décidé d’en remettre une petite couche.

David Abercrombie et Ezra Fitch ont fondé en 1892, dans l’Ohio, une marque de vêtements siglée de leurs deux patronymes. Aujourd’hui, la société commercialise quatre marque de prêt à porter : Abercrombie & Fitch, Hollister, Ruehl No.925 et Gilly Hicks. Le groupe Abercrombie & Fitch en 2013, c’est 4,11 milliards de dollars de Chiffre d’Affaires pour 3,58 milliards en 2008 et près de 1000 magasins.

Ce qui nous intéresse ici est la marque Hollister appartenant au groupe qui reprend les thèmes sportswear du surf en Californie du Sud avancés par Abercrombie and Fitch mais pour une cible plus jeune. Dans une enquête de notoriété des marques de prêt à porter menée par la US Bancorp Piper Jaffray, les résultats ont révélé que les adolescents et jeunes adultes (de 13 à 27 ans) aux USA, ont classé Hollister comme marque la plus « cool » de 2007 à 2011 . Hollister Co. a ouvert sa première boutique en 2007, en Juillet à Columbus, Ohio. Comment un tel succès de notoriété est-il possible en un temps aussi record?

Pour Abercrombie & Fitch, toutes les marques sous son aile doivent avoir une histoire à raconter. En ce qui concerne Hollister, l’histoire (fausse) est celle d’un personnage nommée JM Hollister qui aurait fondé une boutique de marchand en Californie du Sud en 1922. En seulement 3 années, la marque Hollister a dépassé les recettes de sa marque mère de vente. Obligeant Abercrombie et Fitch à se repositionner sur des vêtements plus haut de gamme utilisant des matériaux de meilleure qualité (!) et de conception plus sophistiquée que les vêtements Hollister.

Au delà de la stratégie de marque très simple sur le produit (logo de grande taille sur les vêtements, sigle, et date fictive d’établissement) correspondant au positionnement vintage de la marque, Hollister a créé un environnement de communication et de distribution ahurissant sur le lieu de vente.

Tout d’abord, en insistant sur les valeurs de la marque via le décor : vintage, cool, surf, soleil, une féérie qui démarre dans la rue, une devanture représentant un surf-shop du début du siècle dernier, à l’intérieur des photos aux tons sépia et des vêtements disséminés ça et là, comme posé à la va-vite dans une chambre, lorsque l’on se change pour aller à la plage…

Ensuite, Hollister recrée son univers via les ventes additionnelles d’articles de toilette et de soins du corps : déodorants, gloss et baumes pour les lèvres et des lotions pour le corps et le visage, etc.

Enfin, les inscriptions sur les vêtements reprennent simplement, pour la plupart d’entre eux, le nom d’une plage mythique du Sud de la Californie. Simple mais efficace.

Les clients cibles de Hollister sont les adolescents et les jeunes adultes, c’est pourquoi le prix des produits reste abordable.

Comme nous l’écrivions en 2011 : « Le storytelling n’est pas l’apanage des communications web ou pub et est parfois synonyme de belle réussite commerciale sur le lieu de vente. Mais attention, dans ce cas comme dans tout storytelling, pas de fausses notes sans quoi l’investissement peut s’en trouver ruiné. »

Au regard de l’évolution de l’image de la marque, cette affirmation résonne particulièrement bien aujourd’hui en 2016 en ce qui concerne Hollister.

En effet, après les différents scandales apparus ces dernières années, nous nous sommes aperçu que la promesse d’un monde « cool » semblait tourner au vinaigre. L’affaire des vendeurs recrutés sur leur physique en est l’exemple le plus parlant. Mon collègue Yann, en a personnellement fait les frais en 2010, de façon amusante. Alors étudiant à Lyon 3, il avait été approché par une femme à la sortie de l’université qui lui proposait de participer à un « casting » pour Hollister. Ne connaissant pas la marque, il s’est rendu au rendez-vous « mascarade », dans les sous-sols d’un bar très connu à Lyon où se déroulaient les fameux « castings »… La suite de l’histoire est stupéfiante : des vendeurs recrutés uniquement sur leur physique à qui l’on pose trois questions niveau CM2. D’ailleurs on ne parle pas de vendeurs, mais de « modèles ». Modèles qui étaient d’ailleurs pendant une longue période, amenés à se balader torse nu pour exposer leurs tablettes de chocolat dans les magasins, pour le plus grand plaisir des adolescentes survoltés. Bides à bières proscrits. Finalement, devant la pression de l’opinion publique, cette aberration s’est arrêté au printemps dernier : «Nous ne tolérerons plus de discrimination fondée sur les mensurations ou la beauté, ni de discrimination à l’embauche», selon un extrait de la lettre envoyé aux chefs de magasins par Christos Angelides, le directeur d’A&F.

Il n’empêche. Des critères de recrutement discriminatoires, une pression de travail insoutenable, une musique à en faire percer les tympans, des coupes de cheveux et des tenues de travail imposés, des tailles de vêtements qui ne dépassent pas le L font partie des nombreuses dénonciations au long terme sur la période 2011-2014.

Pour autre exemple, à Lyon, la directrice était – et l’est peut-être toujours d’ailleurs – une américaine non francophone. Cela montre bien la volonté d’une telle marque, de ne chercher aucunement à s’adapter aux pays dans lesquels la marque s’implante : hormis le fait d’entendre de la bouche des « modèles » le fameux adage « Hey, what’s up ? Welcome to the pier ! », il peut s’avérer complexe de parler avec une supérieure hiérarchique quand on ne parle pas la même langue. Quel importance, puisque l’objectif de la marque est de faire – ou plutôt d’avoir cru faire – rêver tout le monde ?

Voici pourquoi le storytelling est à considérer aussi sérieusement dans sa sincérité. Il s’agit de se décrire comme on est, comme notre entreprise fonctionne, ce que sont nos valeurs. Dans un monde où notre image numérique compte tout autant que la réalité, il est délicat et dangereux de vendre du rêve, alors que les valeurs et le mode de management sont tout autre. On peut se contenter de la réalité.

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